Page:Elder - Le Peuple de la mer.djvu/285

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chant la rude langue de Bretagne. Mais les vareuses brunes, étrangères, ne se mêlaient point aux vareuses bleues du pays. On se toisait, on s’affrontait. Une hostilité de race séparait les hommes, qui ne se joignaient que pour se battre sans merci, parfois au couteau.

Toutes les filles des usines sortaient en atours : mouchoir groseille, pèlerine rose, bleu de ciel, bonnet de linge éclatant au-dessus de leur visage basané. Elles allaient à petits pas, bras dessus, bras dessous, riant aux gars sur leur passage. Il y avait des Sablaises en cotillons courts, en sabots blancs, la grande coiffe ailée posée sur leurs cheveux noirs rangés en dents au haut du front. Il y avait des Bretonnes tout en velours, adornées de tabliers multicolores et de rubans qui flottent sur leur cou libre. L’air était bruyant, plein de rire, d’œillade, de gaieté, de désir, et au seuil des portes, les vieux rajeunissaient en parlant d’autrefois.

P’tit Pierre et Cécile se promenaient ensemble par le village. Il portait une cravate verte sur un plastron empesé et un feutre moucheté. Elle arborait un fichu rouge par-dessus son corsage et un ruban rouge aussi à son bonnet. On les invitait à trinquer de porte en porte :

— Eh ben, à quand la noce ?

— J’ pense qu’il espère l’hiver pour se mettre au chaud !