Page:Elder - Le Peuple de la mer.djvu/47

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Urbain continuait son travail, très à l’aise sous des propos dont il n’entendait pas la sagesse, et auxquels il répondit de bonne foi :

— Vous parlez pour la terre, mais nous c’est point pareil ; la mer sait point manquer.

Ils étaient de deux races et ne pouvaient se comprendre. Toute la lignée d’aïeux, dévorés successivement par la glèbe, criait misère au sang du vieux. Il portait, comme un châtiment, les siècles d’efforts sans bénéfices, de vieillesse affamée par l’engourdissement, qui ont engendré les rapacités et la terreur du lendemain. Derrière lui s’étendait la plaine millénaire, qui, bien que trempée de sueur et grasse de sang, n’attendait qu’un répit de l’homme, pour repousser contre lui ses friches meurtrières.

L’autre gardait en lui le temps perdu des aventures, où l’Océan, route des mondes merveilleux, charriait de l’or. Le même intérêt, qui fit au premier marin risquer la tempête, soutenait son courage. Il savait les gains faciles de la vie de mer, l’existence assurée près de la grande nourrice, et la certitude d’une retraite biffait l’avenir de son imagination, en même temps que l’air du large l’entretenait de santé et de belle humeur.

Le vieux avait hoché la tête et s’était tu. Désintéressé de la construction, il se tourna vers l’enclos et jaugea le cerisier :