Page:Elder - Le Peuple de la mer.djvu/50

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— N’y a tel que ça pour lester un bateau !

Et le jour du lancement vint avec le gros de l’eau.

Un matin Théodore attacha sur l’étrave un bouquet de passeroses et fixa au tableau le drapeau tricolore. À trois heures la marée baignerait le chantier et les Goustan s’affairaient. On fut quérir Malchaussé, avec son cric, pour soulever l’avant de la barque. Alors, débarrassée des épontilles, elle monta au-dessus des hommes, géante, haussée jusqu’au toit. Et Urbain effaçait une à une les écorchures, d’un pinceau soigneux.

Le temps se plombait et le vent d’ouest déchirait à la course le manteau des nuages, au travers duquel tombaient des raies de soleil sur le marais où tournait la mouette criarde. Les arbres ployaient de l’échine ; la toiture du chantier frémissait par secousses ; l’eau du port, limoneuse, ressaquait en clapotis.

Des curieux arrivèrent, se tassèrent près des cloisons. Des gens s’amassèrent en groupe, sur le quai, autour du douanier important et phraseur. François guettait la marée, tandis que, sous l’œil économe de grand-père, Théodore distribuait, avec parcimonie, le suif lubrifiant au long de la glissière.

— La mer est pleine, allons-y les enfants !

À cet ordre, Urbain trépigna sur la berge en