Page:Elder - Le Peuple de la mer.djvu/67

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recevait à pleins bras, la chatouillait pour rire un brin, puis ils débordaient en silence.

Sitôt enfermés sous le rouf aux moiteurs saumâtres, ils s’étreignaient à tâtons, ce qui donnait lieu à de drôles de méprises. Elle était imprégnée des fadeurs de l’huile brassée toute la journée ; il sentait aigrement la sardine.

Leurs mains rudes et leurs jeunes corps s’enlaçaient avec une belle force animale qui ployait et faisait craquer leurs membres. Le varech des paillasses grésillait sous eux à menu bruit ; la barque close sommeillait discrètement sur l’eau muette.

Au petit jour la Louise s’échappait et rentrait à la masure familiale, au risque d’attraper la raclée. Elle avait d’ailleurs trouvé le moyen d’éviter les coups de son père ; sa mère n’était pas dangereuse, molle et alourdie par une perpétuelle grossesse. Le samedi, malgré les menaces, elle gardait les deux tiers de sa paye et, durant la semaine, elle achetait, à l’occasion, la grâce d’une volée.

— Touche-moi pas, t’auras dix sous !

Et le père Piron, qui préférait encore cinq gouttes au plaisir de battre sa fille, se calmait, empochait la pièce et descendait chez Zacharie. Mais le vieux était vif, Louise gourgandine, et ses économies ne la menaient pas toujours jusqu’au samedi ; alors elle n’avait plus qu’à garer son derrière.