Page:Elder - Le Peuple de la mer.djvu/87

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— C’te fois il l’bouffe !

Les grands yachts commencent leur second tour, filant droit, sans tanguer presque et passant au travers des vagues qu’ils ouvrent comme un soc. L’eau ruisselle sur les ponts de bout en bout, claque les hiloires et s’enlève parfois d’un bond au creux des focs qui, cernés d’humidité, s’égouttent entre les douches. L’embrun trempe les hommes cramponnés à ces coques submergées où ils manœuvrent, les bras dans l’eau. Quand la mer est grosse, les régates sont de terribles luttes.

L’Elga vire le premier, vent arrière, la bouée de la rade et soudain, dans le changement brutal de la grand’voile, un homme est empoigné en plein torse, culbuté à la mer. Le cri de l’équipage roule jusqu’au Bois. Dans le sillage, des bras et une tête se débattent, mais le patron commande :

— Tout le monde à son poste ! Les suivants le ramasseront !

Et c’est le Mab qui, au passage, casse son aire, cueille l’épave humaine et continue la course. L’Elga fuit toujours, cent mètres en avant, implacable. La pitié acquise au cours des siècles s’est effacée du cœur des hommes ; il n’y a plus que la bête de combat, meurtrière. À bord des yachts élégants et des chaloupes frustes, l’animal est le même, et la passion de vaincre son semblable, réveillée aussi formidablement chez l’un que chez