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Page:Elder - Le Peuple de la mer.djvu/92

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tente joyeuse, après le surmenage de la lutte âpre, on voit les bateaux courir au hasard, virer, manœuvrer au petit bonheur, les voiles battant, puis brusquement casser leur aire et s’arrêter au bout d’une grande glissade.

Les youyous à morte-charge rallient la terre. C’est tout un mouvement de petites embarcations qui circulent à force de rames, avec des rires et des chansons, sur l’eau dont le vert s’alourdit dans l’ombre projetée du grand bois. Et soudain un cri formidable s’élève :

— Bravo Urbain ! Bravo Coët ! Coët ! Coët !

Un roulement de pieds ébranle l’estacade, la foule vibre d’un grand spasme qui fait hurler des gens sans savoir pourquoi. Le chapeau de François domine, à bout de bras, tandis que le père Mathieu passe un doigt sous ses bésicles, pour essuyer le suintement de ses vieilles paupières émues.

— C’est sorti d’ nos chantiers ! répète-t-il, c’est sorti d’ nos chantiers !

La Marie-Jeanne a serré dans ses jupes ses deux petits qui désignent la barque bleue en criant :

— Papa ! papa !

Elle sent quelque chose battre violemment sous son caraco, de la même façon oppressante qu’autrefois, quand elle rejoignait en cachette son Urbain dont elle n’était que la promise. Elle est satisfaite