Page:Eliot - Daniel Deronda vol 1&2.pdf/111

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besogneux, madame Ârrowpoint arrachant son bonnet, et M. Arrowpoint la laissant faire. Exit lord Grandcourt, qui retourne à Diplow, et comme M. Jabot[1] change de linge.

Vit-on jamais pareille jeune sorcière ? Vous pensez lui cacher vos réflexions ; vous gardez soigneusement votre secret ; vous faites l’innocente, et cependant pas une de ces pensées ne lui a échappé ! Il est à présumer qu’avec sa puissance divinatoire, elle en connaissait déjà plus long que personne sur M. Grandcourt.

— Mais, lui demanda sa mère, quel homme t’imagines-tu donc qu’il est, Gwendolen ?

— Voyons, fit la sorcière en posant son doigt sur ses lèvres et en fronçant le sourcil : il est petit ; il me vient à l’épaule ; il tâche de se grandir en tordant sa moustache et en portant une longue barbe ; il a un petit morceau de verre dans l’œil pour se donner un cachet de distinction ; il a une haute opinion de son gilet ; il ne cessera de m’admirer, et son monocle lui fera faire d’horribles grimaces, surtout quand il voudra sourire et me flatter. Je baisserai pudiquement les yeux et il s’apercevra que je ne suis pas indifférente à ses attentions. Cette nuit-là, je rêverai que je vois la tête d’un magnifique insecte, et le lendemain il viendra m’offrir sa main ; la suite comme ci-dessus.

— C’est le portrait de quelqu’un que tu as déjà vu, Gwen. Malgré cela, M. Grandcourt peut être un charmant jeune homme.

— Oh ! oui, répondit Gwendolen insouciamment, en faisant tourner son chapeau sur sa main. Je me demande ce que peut être un homme charmant ! Puis, prenant un air riant : Je sais qu’il a des chiens de chasse et des chevaux de course, un hôtel à Londres et deux châteaux à la cam-

  1. M. Jabot est un type créé par le spirituel crayon de Topffer, l’auteur des charmantes Nouvelles genevoises. (Note du traducteur.)