Page:Eliot - Daniel Deronda vol 1&2.pdf/141

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

interlocuteur, mais lentement et en lançant de grosses bouffées de fumée ; puis il dit d’une voix plus basse encore et avec une nuance visible de mépris :

— Que diable ai-je à faire avec miss Arrowpoint et sa musique ?

— Mais quelque chose, répondit Lush en souriant. Vous n’aurez pas beaucoup de mal à vous donner ; cependant on peut y mettre quelques formes quand on veut épouser un million.

— Parfaitement ; mais je n’épouserai pas le million.

— C’est dommage de perdre une si belle occasion et de détruire vous-même vos plans.

— Vous voulez dire vos plans, à vous.

— Vous avez des dettes, vous savez ; et, après tout, les choses peuvent ne pas très bien tourner. Votre héritage n’est pas absolument certain.

Grandcourt ne répondant pas, Lush continua :

— C’est réellement une occasion superbe. J’ai pu voir que le père et la mère ne demandent pas mieux ; quant aux habitudes et aux manières de la fille, je suis certain qu’elle ne dépensera pas plus que si sa dot ne dépassait pas six sols. Elle n’est pas jolie, mais fort en état de tenir son rang ; il n’est pas probable qu’elle refuse la position que vous pouvez lui offrir.

— C’est possible.

— Vous ferez ce que vous voudrez du père et de la mère.

— Mais je n’en veux rien faire.

Ici, ce fut Lush qui fit une pause avant de reprendre la parole, puis il dit d’une voix grave et d’un ton de reproche :

— Bon Dieu, Grandcourt, avec toute votre expérience, faudra-t-il qu’un caprice empêche votre honorable établissement dans le monde ?