Page:Eliot - Daniel Deronda vol 1&2.pdf/177

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ce n’eût pas été pour elle. Deronda l’a vue perdre dans la même journée avec une impassibilité étonnante. Je suppose que tout son argent y a passé, à moins qu’elle n’ait été assez sage pour s’arrêter à temps. Comment sais-tu qu’elle est partie ?

— Par la liste des étrangers, repartit Deronda en levant imperceptiblement les épaules. Vandernoodt m’a dit qu’elle s’appelait miss Harleth, et qu’elle était avec le baron et la baronne von Langen. J’ai vu par la liste que miss Harleth n’était plus ici.

Ce renseignement n’apprenait rien à Lush, si ce n’est que Gwendolen avait joué, car il avait déjà consulté la liste des étrangers et s’était convaincu qu’elle était partie ; mais il n’avait pas voulu le faire savoir à Grandcourt, à moins qu’il ne lui en parlât. Celui-ci n’avait rien demandé, persuadé qu’il retrouverait un jour ou l’autre l’objet de ses recherches. Ce qu’il venait d’apprendre l’avait intéressé, et il n’avait pas perdu un mot de ce que l’on avait dit de miss Harleth. Après une légère pause, il dit à Deronda.

— Connaissez-vous ces gens, ces Langen ?

— J’ai un peu causé avec eux après le départ de miss Harleth. Je ne les connaissais pas auparavant.

— Savez-vous où elle est allée ?

— Chez elle, dit froidement Deronda, comme s’il ne voulait rien ajouter de plus.

Puis, tout à coup, il se tourna vers Grandcourt et reprit :

— Mais vous la connaissez probablement ; elle ne demeure pas loin de Diplow : à Offendene, près Wancester.

Deronda faisait avec Grandcourt un contraste frappant ; il y avait en lui une intensité de vie énergique et calme à la fois ; son visage était d’une richesse de teint qui rendait son regard tellement éloquent, que souvent, sans qu’il eût parlé, les domestiques lui demandaient ce qu’il venait de dire. Grandcourt ressentit une irritation qui ne