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cela un peu sur sa base ; mais il ne pouvait être aisément renversé.

Le soir, le salon étincelait sous l’éclat du gaz et des éblouissants costumes des dames, qui laissaient traîner sur le parquet les queues de leurs robes ou qui étaient assises sur les ottomanes.

La néréide aux cheveux châtains, en robe vert de mer, avec un chapeau de même nuance sur lequel flottait une large plume retenue par une agrafe d’argent, était Gwendolen Harleth. Elle donnait le bras à la dame que nous avons vue assise à côté d’elle à la table de jeu : un gentleman porteur d’une moustache blanche et de cheveux taillés en brosse, raide dans sa tenue comme un officier allemand, les accompagnait. Elles se promenaient et s’arrêtaient de temps en temps pour causer avec des connaissances, et Gwendolen était fort observée par les groupes assis.

— Quelle étrange fille que miss Harleth !.. Elle ne fait rien comme les autres.

— Oui, on dirait un serpent vert et argent ; il me semble qu’elle tourne la tête un peu plus que d’habitude.

— Il lui faut toujours quelque chose d’extraordinaire. La trouvez-vous jolie, monsieur Vandernoodt ?

— Très-jolie. Un homme serait excusable de faire des folies pour elle.

— Alors vous aimez les nez retroussés et les grands yeux voilés.

— Oui, quand ils ont un pareil ensemble.

— L’ensemble du serpent.

— Soit. La femme a été tentée par le serpent ; pourquoi l’homme ne le serait-il pas ?

— Elle est certainement gracieuse ; mais il faudrait plus de couleur sur ses joues : elle a un genre de beauté à la Lamia.