Page:Eliot - Daniel Deronda vol 1&2.pdf/211

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soin au lieu de tes conscrits blessés, Mab ; c’est une pauvre fille qui allait se noyer de désespoir. M. Deronda est arrivé à temps pour la sauver. Il l’a prise dans son canot et, comme il ne savait où la mettre en sûreté il a pensé à nous et nous l’amène. Il paraît qu’elle est juive, mais bien élevée, car elle sait l’italien et la musique.

Les trois jeunes filles, étonnées et dans l’attente, se serrèrent l’une contre l’autre, prêtes à répondre à cet appel fait à leur commisération. Mab semblait stupéfaite, comme si cet accomplissement de son désir avait quelque chose de surnaturel.

Deronda s’étant approché du cab où l’attendait le pâle visage que nous connaissons, lui dit :

— Je vous ai amenée chez les meilleures personnes du monde ; vous allez voir trois jeunes demoiselles comme vous. C’est une heureuse demeure. Voulez-vous me permettre de vous conduire auprès de ces dames ?

Elle descendit du cab soutenue par Deronda, et quand elle arriva dans la lumière du parloir, elle offrait un tableau qui aurait ému des cœurs moins sensibles que ceux des dames Meyrick. Le brusque passage de l’obscurité à la lumière l’éblouit d’abord, et avant qu’elle eût pu se reconnaître, la mère avait déjà pris sa main dans les siennes. Deronda fut satisfait de voir que les Meyrick étaient moins grandes que sa protégée ; la pauvre voyageuse ne pouvait avoir peur des aimables figures qui l’accueillaient ; elle les regardait tour à tour pendant que la mère lui disait :

— Ma pauvre enfant, vous devez être bien lasse !

— Nous aurons soin de vous, nous vous consolerons, nous vous aimerons ! s’écria Mab, incapable de se contenir plus longtemps et saisissant la petite main de l’étrangère qu’elle pressa cordialement.

Cet accueil si bienveillant, si chaud, pénétra dans le