Page:Eliot - Daniel Deronda vol 1&2.pdf/242

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

été imprudent avec notre argent, et il devrait en être puni. Nous pouvons recourir à la loi pour retrouver notre fortune. Mon oncle aurait déjà dû prendre des mesures et ne pas accepter tranquillement de si grands torts. Nous avons la loi pour nous.

— Mon enfant, la loi ne peut nous rendre un argent perdu ainsi. Ton oncle dit que ce serait répandre du lait par terre. Et puis, il faut de l’argent pour faire un procès, et il n’y a pas de loi pour les gens ruinés. Nous ne sommes pas les seules victimes ; bien d’autres que nous ont perdu et devront aussi se résigner.

— En tout cas, je ne me résigne pas à habiter Sawyer’s Cottage et à vous voir travailler pour gagner quelques misérables shillings. Je ne le veux pas. Je ferai autre chose qui conviendra mieux à notre rang et à notre éducation.

— Je suis sûre que ton oncle t’approuvera et t’en admirera davantage, dit madame Davilow, qui voulut profiter de cette ouverture pour aborder un sujet difficile. — Je n’ai jamais pensé que tu te résignerais à vivre comme nous, si quelque chose de mieux s’offrait pour toi. Ton oncle et ta tante ont pensé que tes talents étaient une fortune, et ils ont déjà trouvé quelque chose qui, peut-être, pourra te satisfaire.

— Qu’est-ce que c’est, maman ?

La colère de Gwendolen avait fait place à la curiosité, et déjà les conjectures romantiques allaient leur train.

— Deux positions s’offrent : l’une, dans la famille d’un évêque où il y a trois filles, et l’autre, dans un pensionnat de demoiselles du grand monde. Ton français, ta musique, ta danse et tes manières de grande dame sont précisément ce qui convient. Le traitement est de cent livres par an, et pour que tu ne vives pas aussi pauvrement que nous, — madame Davilow hésita, — tu pourrais peut-être accepter un de ces emplois.