Page:Eliot - Daniel Deronda vol 1&2.pdf/257

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— Je le crois, répliqua madame Arrowpoint d’un ton de mépris significatif ; au point où tu en es arrivée, nous ne devons pas nous comprendre.

— C’est impossible, Kate, dit M. Arrowpoint dans le désir de substituer un raisonnement plus doux à l’impétuosité de sa femme. Un homme comme Klesmer ne peut épouser une fortune comme la tienne. Cela ne se peut pas.

— Et cela ne sera certainement pas ! s’écria impérieusement madame Arrowpoint. Où est-il cet homme ? Qu’on l’amène ?

— Je ne permettrai pas qu’on l’insulte, dit Catherine. Du reste, cela ne terminerait rien.

— Ne veux-tu pas qu’il sache qu’en t’épousant il n’aura rien de ta fortune ? demanda la mère.

— Certainement, je le veux.

— Alors, va le chercher.

Catherine courut au salon de musique et ne dit que ce seul mot : « Venez ! » Elle ne croyait pas qu’il fût nécessaire de préparer Klesmer.

— Monsieur Klesmer, dit madame Arrowpoint avec une hauteur pleine de dédain, je crois inutile de vous redire ce qui s’est passé entre nous et notre fille. Monsieur Arrowpoint va vous faire connaître notre résolution.

— Nous ne consentons pas à votre mariage, dit M. Arrowpoint, qui trouvait sa tâche bien lourde et qui était dans un embarras dont son cigare ne pouvait l’aider à sortir ; c’est une odieuse machination. On s’est battu en duel pour moins que cela.

— Vous avez tristement abusé de notre confiance, dit en éclatant madame Arrowpoint, incapable de se contenir et de laisser le poids du discours à son mari.

Klesmer s’inclina légèrement et sourit ironiquement sans rien répondre.

— La prétention est ridicule ! Vous auriez mieux fait d’y