Page:Eliot - Daniel Deronda vol 1&2.pdf/301

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— Et rien de ce que je n’aimerai pas ? Je vous en prie, dites-le ; car je crois que j’ai plus d’éloignement pour ce que je n’aime pas que de goût pour ce que j’aime.

C’étaient là des subtilités dont Grandcourt avait une grande expérience et dans lesquelles il était passé maître.

— Je ne sais pourquoi, répliqua-t-il, sur cette brute de terre, les choses tournent toujours d’une façon que l’on n’aime pas. Je ne pourrai pas toujours vous empêcher d’être ennuyée, et, si vous aimez de monter Critérion, je ne puis empêcher qu’il tombe par une cause ou par une autre.

— Ah ! mon ami Critérion, comment va-t-il ?

— Il est là ; je l’ai fait monter par le groom afin que vous puissiez le voir. Il a porté une selle de femme hier pendant une heure ou deux. Venez à la fenêtre, vous le verrez.

Elle regarda les deux chevaux bien cambrés sur leurs jarrets, et la vue de ces superbes animaux fit passer comme un frémissement de plaisir dans tous ses membres. Ils représentaient le symbole du commandement et du luxe, et contrastaient délicieusement avec la laideur de la pauvreté et de l’humiliation dont elle avait été menacée.

— Voilà ce que je préfère à tout, dit-elle. J’ai besoin de me perdre dans un galop insensé ; mais, maintenant, il faut que j’aille chercher maman.

— Voulez-vous accepter mon bras jusqu’à la porte ? demanda Grandcourt.

Elle y consentit. Elle trouvait ses manières d’amoureux très agréables, et ne craignait pas qu’il voulût l’embrasser. Elle était tellement à son aise, qu’elle s’arrêta tout à coup au milieu de la chambre et lui dit d’un ton de malice sérieuse :

— Ah ! pendant que j’y pense, il y a quelque chose que je n’aime pas, et dont vous pouvez me délivrer. Je n’aime pas la compagnie de M. Lush.