Page:Eliot - Daniel Deronda vol 1&2.pdf/344

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seul désir qui la dominait était que Grandcourt l’épousât. Sa fausse position, à laquelle elle n’avait pas songé lorsqu’il ne s’était agi que d’elle, la peinait pour ses enfants qu’elle aimait avec toute la passion de l’amour maternel. Elle n’éprouvait de regrets, de repentir que pour eux. Si Grandcourt l’épousait, ses enfants ne souffriraient pas du passé ; ils verraient leur mère occuper un rang dans la société, et le monde ne les regarderait pas avec dédain ; son fils, en outre, hériterait de son père. Pour atteindre ce résultat, elle était prête à souffrir patiemment tout ce que ferait Grandcourt devenu son mari, sans jamais le molester par des appels passionnés ou des scènes de jalousie. Elle dépendait absolument de lui ; car, bien qu’il se fût montré généreux à son égard, il avait tout conservé par devers lui. Il avait dit qu’il ne disposerait jamais de rien que par testament, et, quand elle pensait aux alternatives de l’avenir, elle se disait que, même si elle ne devenait pas la femme de Grandcourt, et qu’il n’eût point de fils légitime, son fils à elle deviendrait l’héritier de la plus grande partie de ses biens. Cependant son idée d’épouser Grandcourt n’était pas une extravagance, et plusieurs fois Lush lui en avait fait entrevoir la possibilité. Lorsqu’il présuma que Grandcourt voulait profiter de sa résidence à Diplow pour obtenir miss Arrowpoint, Lush avait cru devoir lui taire ce projet ; mais l’apparition de Gwendolen sur la scène avait tout changé ; il était donc naturel que madame Glasher entrât avec empressement dans le plan conçu par Lush, d’écarter ce danger en effrayant la jeune personne recherchée pour femme, par le récit des événements du passé. Elle avait ensuite appris par Lush le départ de Gwendolen, mais aucune lettre n’était venue depuis lui faire savoir que le danger était redevenu imminent. Elle avait écrit à Grandcourt comme elle le faisait habituellement, et, cette fois, il avait été plus long à lui répondre que d’ordinaire. Elle en