Page:Eliot - Daniel Deronda vol 1&2.pdf/346

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Tous les enfants étaient là. Les trois petites filles, assises autour de leur mère, près de la fenêtre, étaient son portrait en miniature ; de jolies brunettes, aux yeux noirs, aux traits délicats, aux joues veloutées et richement colorées aux petites narines et aux sourcils finement tracés ; en somme, de véritables petites femmes, quoique l’aînée eût à peine neuf ans. Le petit garçon, assis par terre sur le tapis, ses cheveux noirs dénoués, jouait avec les animaux d’une arche de Noé ; Joséphine l’aînée, prenait sa leçon de français et les autres s’amusaient avec leurs poupées. Madame Glasher avait mis un soin tout particulier à sa toilette ; car, chaque jour, elle se disait que Grandcourt pouvait arriver. Son visage, qui, malgré sa maigreur, avait un profil d’une beauté ineffaçable, ses cheveux frisés et ondulés, ses sourcils fins, impressionnaient encore : elle portait au cou un collier d’or que Grandcourt y avait attaché, bien des années plus tôt. Ce n’était pas qu’elle tînt à la toilette ou qu’elle eût du plaisir à se parer ; sa première pensée quand elle se voyait dans son miroir, était : « Que je suis changée ! » Mais elle voulait conserver ce qui lui restait de sa beauté, et, quand ses enfants baisaient ses joues pâlies, ils ne trouvaient pas qu’elles fussent moins tendres. Cet amour était désormais le seul bonheur de sa vie.

Tout à coup madame Glasher, qui faisait lire Joséphine, releva la tête, écouta, et dit :

— Tais-toi, chérie, je crois que voici quelqu’un.

Henleigh, le petit garçon, se leva en sautant et s’écria :

— Maman, est-ce le meunier avec mon baudet ?

Ne recevant point de réponse, il grimpa sur les genoux de sa mère et insista pour en avoir une. Mais la porte s’ouvrit, et la servante annonça M. Grandcourt. Madame Glasher se leva dans une agitation qu’elle ne put maîtriser. Henleigh fronça le sourcil de ce que ce n’était pas le meunier, et les trois