Page:Eliot - Daniel Deronda vol 1&2.pdf/88

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s’opposent à ton projet. Un engagement à ton âge serait injustifiable et irréfléchi ; en outre, les alliances entre cousins ne sont pas désirables. Courage donc ; ce ne sera qu’un petit désappointement ; mais la vie en est pleine, et ce commencement est anodin pour toi.

— Non, non, je ne pourrai pas l’endurer. Je ne penserai plus à rien si ce n’est pas décidé entre nous, dit Rex avec impétuosité. Il est inutile de me forcer à vous obéir, mon père, je ne le pourrais pas. Si je promettais, je suis sûr que je violerais ma parole ; je reverrais Gwendolen.

— Eh bien, attends jusqu’à demain matin, nous en parlerons ; promets-le-moi, dit tranquillement M. Gascoigne. Et Rex ne put refuser.

Le recteur ne dit pas à sa femme qu’il avait, pour aller à Offendene le même soir, un motif tout autre que son désir de s’assurer si Gwendolen était rentrée saine et sauve.

Il la trouva mieux que sauve : — exaltée, ravie ! M. Quallon, qui avait gagné le prix, lui avait fait hommage de son trophée, qu’elle rapportait attaché sur sa selle, et lord Brackenshaw l’avait reconduite, après s’être montré enchanté de son courage et de son habileté à diriger son cheval. Elle dit tout cela d’un trait à son oncle, afin qu’il vît bien qu’elle avait eu raison d’agir contre son avis ; et le prudent recteur, persuadé que l’intérêt de sa nièce voulait que les Brackenshaw la vissent d’un bon œil, se dit que leur opinion, sur la résolution prise par Gwendolen de suivre la chasse, ne lui permettait de faire aucune objection. Il se tut donc en attendant, et avec d’autant plus de raison que madame Davilow, après les exclamations triomphantes de sa fille, lui dit :

— Tais-toi ! j’espère que tu ne recommenceras plus, Gwendolen ; je n’aurais plus un moment de repos. Son père, vous le savez, fit-elle en regardant M. Gascoigne, est mort par accident.