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Page:Eliot - Daniel Deronda vol 2&3.djvu/11

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Il était assis presque en face d’elle et pouvait entendre de temps à autre ce qu’elle répondait à sir Hugo, engagé avec elle dans une conversation très animée ; mais, bien qu’il la regardât avec l’intention de la saluer, elle ne lui en fournit pas l’occasion, au moins de quelque temps. Enfin, sir Hugo, qui pouvait s’imaginer qu’ils s’étaient déjà parlé, dit : — Deronda, tu apprendras sans doute avec plaisir ce que dit madame Grandcourt de ton ami Klesmer.

Gwendolen tint ses yeux baissés et Deronda crut découvrir chez elle une répugnance invincible à les lever et à lui rendre son salut. Elle ne souriait que des lèvres. Cet état ne dura qu’un instant, car sir Hugo reprit presque aussitôt :

— Les Arrowpoint ont consenti au mariage et il va passer les vacances de Noël à Quelcham avec sa fiancée.

— Il en sera heureux, j’en suis sûr, rien que par égard pour sa femme, dit Deronda ; je crois pouvoir affirmer que, sans cela, il n’aurait pas hésité à se tenir éloigné.

— C’est une sorte d’histoire de troubadour, fit lady Pentreath, vieille dame aux manières aisées et à la voix grave et sonore ; je suis heureuse de voir qu’il nous est resté au moins un petit roman. Je crois que nos jeunes gens deviennent trop mondainement sages.

— Les Arrowpoint prouvent leur bon sens en acceptant l’affaire, reprit sir Hugo. Désavouer son unique enfant sous prétexte de mésalliance, c’est comme si nous désavouions notre œil. Chacun sait qu’il est à nous, et nous n’en avons point d’autre à montrer.

— Quant à la mésalliance, répliqua lady Pentreath, il n’y a de sang d’aucun côté. Le vieil amiral Arrowpoint a été l’un des matelots de Nelson, le fils d’un docteur, et nous savons tous de quelle source vient l’argent de la mère.

— S’il y a mésalliance en ce cas, objecta Daniel, elle est du côté de Klesmer. C’est lui qui en fait une.

— Ah ! tu crois que c’est le cas où un immortel épouse