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Page:Eliot - Daniel Deronda vol 2&3.djvu/26

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Elle n’eut pas plus tôt prononcé ces mots, qu’elle s’arrêta et involontairement tourna les yeux du côté de Deronda, qui, par un mouvement machinal et bizarre, avait ôté son chapeau comme s’il était dans une église. Leurs regards se croisèrent au grand ennui de Gwendolen, qui se sentit rougir, car il lui sembla qu’elle l’avait laissé lire dans sa pensée. Elle s’exagérait l’impression que sir Hugo et Deronda pouvaient avoir ressenti de son manque de goût en faisant allusion à un droit quelconque de possession de l’abbaye. Daniel l’en mépriserait peut-être ! Sa contrariété lui enleva sa facilité habituelle de plaisanterie ; elle leva la tête comme si elle examinait la voûte, en faisant un tour sur elle-même dans cette attitude. Si l’on avait remarqué sa rougeur, on ne l’avait certainement pas interprétée dans le sens vrai de ses sentiments. La rougeur n’est pas un langage. Seul Deronda en devina jusqu’à un certain point le motif ; mais, tandis qu’il l’observait, il était lui-même l’objet de l’attention d’un autre.

— Est-ce que vous saluez les chevaux ? lui demanda Grandcourt en faisant entendre un petit rire moqueur.

— Pourquoi pas ? répliqua-t-il en se couvrant.

La confusion de Gwendolen avait disparu pendant son inspection des chevaux, que Grandcourt s’abstenait poliment d’apprécier, en approuvant languissamment ce qu’en disait sir Hugo.

— Le fait est, conclut le baronnet, qu’aujourd’hui les écuries coûtent horriblement cher, et je m’estime heureux de m’être délivré de cette démangeaison.

— Que voulez-vous que fasse un gentleman ? répondit Grandcourt. Il faut qu’il monte à cheval. Je ne vois pas ce qu’il pourrait faire de mieux. Mais je n’appelle pas monter à cheval, l’action de s’asseoir les jambes écartées sur une bête difforme.

Cette façon délicate et diplomatique de caractériser l’écu-