Aller au contenu

Page:Eliot - Daniel Deronda vol 2&3.djvu/36

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Non, non ! pas Diplow : Gadsmere. Sir Hugo le sait bien, j’en répondrais.

Deronda se tut ; il commençait à ressentir une réelle curiosité ; mais il prévit qu’il saurait tout ce que M. Vandernoodt avait à révéler, sans lui faire l’honneur de le lui demander.

— Lush ne veut pas l’avouer ; c’est tout simple : il est le confident et l’entremetteur de Grandcourt. Mais je le tiens de la meilleure source. Le fait est qu’il y a une autre dame avec quatre enfants à Gadsmere. Elle avait la haute main sur lui, il y a dix ans et plus, et, d’après ce que j’ai pu comprendre, elle l’a encore. C’est pour lui qu’elle a quitté son mari ; elle a voyagé partout avec lui. Son mari est mort maintenant ; un de mes camarades qui a servi dans le même régiment a bien connu madame Glasher avant qu’elle prît la poudre d’escampette. C’est une femme aux yeux noirs et ardents, une beauté fameuse de son temps ; il la croyait morte. On prétend qu’elle tient encore Grandcourt sous sa coupe, et l’on s’étonne qu’il ne l’ait pas épousée ; car elle a un superbe petit garçon, et je sais que Grandcourt peut faire absolument ce qu’il veut de ses biens. C’est ce que m’a dit Lush.

— Quel droit avait-il alors d’épouser cette jeune personne ? s’écria Deronda avec dégoût.

M. Vandernoodt, pour toute réponse, se contenta de faire tomber la cendre de son cigare, de hausser les épaules, et d’avancer les lèvres.

— Elle peut n’en rien savoir, continua Deronda, qui aussitôt se posa intérieurement cette question : Le savait-elle ?

— La situation est vraiment piquante, reprit M. Vandernoodt. Voyez-vous Grandcourt entre ces deux femmes fougueuses ? Car, comptez-y, la jeune dame aux beaux cheveux a une bonne dose de démon en elle ; je me suis fait d’elle cette opinion à Leubronn. Imaginez-vous ces deux rivales