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Page:Eliot - La Conversion de Jeanne.djvu/210

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SCÈNES DE LA VIE DU CLERGÉ

frivoles, et toutes mes espérances avaient pour but une vaine mondanité. Je n’avais aucune idée d’entrer dans les ordres ; je pensais au contraire à suivre la carrière politique, car mon père était secrétaire privé d’un homme influent dans le ministère whig, et on lui avait promis de s’intéresser en ma faveur. Au collège je vécus dans l’intimité des jeunes gens les plus lancés ; j’adoptai même des vices pour lesquels je n’avais aucun goût, par simple condescendance et par le désir d’être en bons termes avec mes camarades. Vous voyez que je fus bien plus coupable que vous ne l’avez été, car je rejetais toutes les riches bénédictions de la jeunesse et d’une santé parfaite ; je n’avais aucune excuse. Mais, tandis que j’étais au collège, arriva l’événement qui me conduisit à cet état d’esprit dont je vous ai parlé — cet état de reproche intérieur et de désespoir qui me permet de comprendre ce que vous souffrez ; et je vous raconte ces faits pour que vous soyez persuadée que je ne prononce pas des paroles vagues quand je vous dis que j’ai été relevé d’un état de péché et de tristesse aussi profond que celui que vous racontez. Au collège je m’épris d’une charmante jeune fille de seize ans ; elle était d’une condition très inférieure à la mienne et je ne pensais pas à l’épouser ; mais je l’engageai à quitter la maison de son père. Je ne voulais point l’abandonner à ma sortie du collège, et je calmai tout scrupule de