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Page:Eliot - La Conversion de Jeanne.djvu/233

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LA CONVERSION DE JEANNE

pour s’y déverser, de ces canaux tout préparés ; puis elle allait entendre de nouveau M. Tryan, et ses paroles seraient pour elle comme un baume salutaire, ainsi qu’elles l’avaient été le soir précédent. Il y avait une transparence limpide dans ses yeux dirigés sur les fileurs et les charbonniers dans leurs habits du dimanche. Les choses les plus communes semblaient toucher en elle le ressort de l’amour, de même que, lorsque nous sommes subitement délivrés d’une peine corporelle aiguë et qui nous absorbait, notre cœur et nos sens s’animent d’une nouvelle liberté, nous trouvons harmonieux même le bruit des rues, et nous sommes prêts à admirer même le commis pliant dans du papier la monnaie qu’il nous rend. Une porte s’était ouverte dans la sombre et froide prison de l’espérance perdue, et la lumière du matin, pénétrant par cette ouverture bénie, l’inondait de doux rayons. Il y avait du soleil dans le monde ; il y avait un amour divin prenant soin d’elle ; il lui avait envoyé un avertissement ; il lui avait préparé du bien-être dans l’instant où elle se croyait le plus abandonnée.

M. Tryan put bien se réjouir lorsque, en montant dans la chaire, il rencontra ses regards ; mais il se réjouit en tremblant. Il ne pouvait voir ce doux visage plein d’espérance sans se rappeler son regard d’agonie de la veille ; il craignait que ce regard ne vînt à reparaître.