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Page:Eliot - La Conversion de Jeanne.djvu/235

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LA CONVERSION DE JEANNE

dont elle avait l’habitude depuis longtemps et auquel elle avait promis à M. Tryan de renoncer à jamais. La pauvre femme en avait la conscience, et redoutait sa propre faiblesse, comme la victime d’une aliénation intermittente redoute l’approche de l’illusion déjà connue.

« Ma mère, dit-elle à voix basse à Mme Raynor qui l’engageait à se coucher pour se reposer, afin qu’elle fût mieux préparée à recevoir M. Tryan, ne me laissez rien donner, si je le demande. »

La même anxiété se retrouvait dans l’esprit de la mère, et, chez elle, elle était mélangée d’une autre crainte, la crainte que Jeanne, dans l’état présent d’excitation de son esprit, ne fît, à l’égard de son mari, quelque démarche prématurée qui la replongerait dans son précédent état de difficultés. Ce qu’elle avait indiqué le matin, de son désir de retourner vers lui, montrait une nouvelle disposition à remplir des devoirs difficiles, qui faisait trembler la mère raisonnable et longtemps attristée.

Mais, vers le soir, tout l’héroïsme matinal de Jeanne l’abandonna ; son imagination, sous l’influence de la dépression physique aussi bien que de ses habitudes d’esprit, fut hantée par la vision du retour de son mari à la maison, et elle se remit à trembler de la frayeur de la veille. Elle l’entendait l’appeler, elle le voyait aller chez sa mère la chercher, elle se sentait sûre qu’il la découvrirait.