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Page:Eliot - La Conversion de Jeanne.djvu/239

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LA CONVERSION DE JEANNE

la sympathie, parce qu’il a connu la tristesse, ce vieux passage sur ce que la joie des cieux pour un pécheur repentant dépasse leur joie au sujet de quatre-vingt-dix-neuf justes, a une signification qui ne froisse point le langage de son propre cœur. Il lui dit seulement qu’il y a aussi pour les anges une valeur transcendante dans la douleur humaine ; que les yeux des anges se détournent aussi du bonheur serein du juste, pour se diriger avec une vive pitié vers la pauvre âme errante dans le désert sans eau ; que pour les anges aussi le malheur d’un seul être jette une ombre assez effrayante pour éclipser le bonheur des quatre-vingt-dix-neuf autres.

M. Tryan avait passé par l’initiation de la souffrance ; il n’est point surprenant, alors, que la conversion de Jeanne fût l’œuvre qui lui tenait le plus au cœur, et que, tout fatigué qu’il fût après le service du soir, il fût impatient de remplir sa promesse de la voir. Son expérience lui faisait deviner que l’espérance du matin serait suivie par un retour d’abattement et de découragement, et la pensée des difficultés intimes qui s’opposaient à cette conversion était si vive, qu’il ne put trouver du soulagement à l’effroi qu’elle lui causait, qu’en élevant son cœur par la prière. Il y a des éléments inaperçus qui souvent déjouent nos meilleurs calculs, qui relèvent le malade sur le bord de la fosse, en contredisant les prévisions des plus habiles docteurs et en