Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/127

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— C’est pourtant vrai, ce que disait votre frère, Rosemonde, dit mistress Vincy quand le domestique eut débarrassé la table. Il est mille fois regrettable que vous n’ayez pas la patience d’aller voir plus souvent votre oncle, lui qui est si fier de vous et qui désirerait tant vous avoir à demeure avec lui. On ne sait pas tout ce qu’il aurait fait pour vous et pour Fred. Dieu sait si je suis heureuse de vous avoir à la maison auprès de moi ; mais j’aurais le courage, dans l’intérêt de mes enfants, de me séparer d’eux. Et maintenant il est clair que votre oncle Featherstone fera quelque chose pour Mary Garth.

— Mary Garth se résigne à l’ennui de vivre à Stone-Court, parce qu’elle aime encore mieux cela que d’être institutrice, dit Rosemonde pliant son ouvrage. Je préférerais, quant à moi, qu’on ne me laissât pas un sou, plutôt que d’endurer, pour le gagner, la toux de mon oncle et toute sa vilaine parenté.

— Il ne peut plus être longtemps de ce monde, ma chère ; je ne voudrais pas hâter sa mort, mais que peut-on attendre de bon avec son asthme et sa maladie interne ? Espérons qu’un sort meilleur lui est réservé dans l’autre monde. Je ne suis pas mal disposée du tout pour Mary Garth, mais il faut penser à la justice. La première femme de M. Featherstone ne lui a apporté aucune fortune. Ses neveux et nièces ne peuvent avoir les mêmes droits que ceux de ma sœur. Et je vous avoue que je trouve cette Mary Garth bien insignifiante ; c’est bien une fille faite pour être institutrice.

— Tout le monde ne serait pas d’accord avec vous, là-dessus, ma mère, dit Fred qui semblait capable de lire et d’écouter tout à la fois.

— Je vous entends, mon cher, dit mistress Vincy, contournant adroitement le sujet. Mais, si même elle avait plus tard quelque fortune… vous savez, un homme épouse tou-