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les autres devenait pour lui non seulement intelligible, mais lumineux. Mais ce n’était une œuvre ni facile ni de courte haleine que de glaner dans cette riche moisson de vérités. Les notes seules constituaient déjà toute une formidable rangée de volumes ; il fallait maintenant condenser cet amas toujours croissant de résultats et les réduire, comme la fleur de cette récolte hippocratique, à n’occuper qu’un petit rayon de bibliothèque. Tel devait être le couronnement de l’édifice.

M. Casaubon entretenait Dorothée de ce grave sujet à peu prés comme il s’en fût entretenu avec un confrère, n’ayant pas à sa disposition deux manières de parler ; il est vrai de dire que, lorsqu’il se servait d’une phrase grecque ou latine, il la traduisait en anglais avec une scrupuleuse exactitude.

Dorothée fut absolument séduite par la vaste étendue de cette conception. Il y avait là, en vérité, quelque chose de plus élevé que les simples aperçus de la littérature à l’usage des jeunes filles ! Un Bossuet vivant, qui allait concilier dans son œuvre la science la plus haute avec une ardente piété, un moderne saint Augustin qui réunissait dans sa personne la gloire du docteur et celle du saint !

La sainteté chez lui ne semblait pas au-dessous de la science ; car, lorsque Dorothée fut amenée à lui ouvrir son âme sur certain sujet dont elle ne pouvait s’entretenir avec personne à Tipton-Grange, elle trouva en M. Casaubon un auditeur qui la comprit d’emblée.

Elle lui dit combien les formes ecclésiastiques et la lettre des articles de foi lui paraissaient chose secondaire à côté de cette religion toute spirituelle, de cet anéantissement du soi dans l’union avec la perfection divine que lui semblaient clairement exprimer les livres religieux des temps anciens.

Elle fut heureuse quand M. Casaubon lui assura qu’il était bien d’accord avec elle du moment que sa manière de voir était suffisamment tempérée par une sage soumission ; et il lui cita des exemples historiques qu’elle ignorait.