Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/38

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liberté est plus intéressante. J’aime à penser que les animaux qui nous entourent ont des âmes un peu comme les nôtres et qu’ils peuvent se suffire à eux-mêmes, ou être des compagnons pour nous, comme Monk que voici. Ces créatures-là sont des parasites.

— Je suis ravi d’apprendre que vous ne les aimez pas, dit le bon sir James, jamais je n’en élèverais pour moi. Mais les dames aiment généralement ces petits chiens maltais. Tenez, John, prenez ce chien.

La petite bête, dont le museau et les yeux étaient également noirs et expressifs, fut ainsi mise de côté, puisque miss Brooke avait décidé qu’elle eût mieux fait de ne pas naître. Mais elle sentit la nécessité de s’expliquer.

— Ne jugez pas, je vous prie, des sentiments de Célia d’après les miens. Je crois qu’elle aime ces petits chiens-là. Elle avait autrefois un petit terrier qu’elle adorait. Cela me rendait très malheureuse, j’avais toujours peur de marcher dessus. J’ai la vue un peu basse.

— Vous avez sur toutes choses une opinion à vous, miss Brooke, et c’est toujours une opinion excellente.

Que répondre à un si stupide compliment ?

— Savez-vous que je vous envie cette faculté, dit sir James, tandis qu’il continuait de marcher au pas quelque peu brusque de Dorothée.

— Je ne comprends pas bien ce que vous voulez dire.

— Votre aptitude à vous former une opinion. Je puis bien, quant à moi, me former une opinion sur les gens, c’est-à-dire que je sais quand ils me plaisent. Mais savez-vous qu’en d’autres matières, j’ai souvent de la peine à me décider. Combien de fois n’entend-on pas énoncer des opinions opposées et qui sont également raisonnables !

— Ou qui en ont l’air. Nous ne voyons peut-être pas toujours clair entre la raison et la déraison.

Dorothée s’apercevait qu’elle était un peu dure.