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appartenait à la chambre qu’avait occupée Casaubon, aussi longtemps que le travail lui avait été interdit ; maintenant, il avait à peu près repris son genre de vie habituel, en dépit des avertissement et des prescriptions ; aussi, après avoir courtoisement salué mistress Cadwallader, s’était-il retiré dans sa bibliothèque pour y ruminer sur une foule d’erreurs, commises par les savants sur Cush et Mizraïm.

Sans ces visites, Dorothée serait sans doute restée enfermée également dans la bibliothèque, et n’aurait rien vu de l’enterrement ; ce spectacle, si éloigné qu’il semblât du caractère ordinaire de sa vie, lui revint toujours à l’esprit, dans la suite, au moindre réveil de certains points sensibles de sa mémoire, par un effet analogue à celui qui rattachait intimement la vision de Saint-Pierre de Rome à ses premiers accès de désespoir.

— J’ai assez regardé, dit Célia, quand le cortège fut entré à l’église ; et elle se recula un peu derrière l’épaule de son mari, dont en cachette elle pouvait, de la joue, effleurer doucement l’habit. — Mais je croirais volontiers que cela plaît à Dodo : elle aime les choses mélancoliques et les gens laids.

— J’aime à connaître les gens au milieu desquels je vis, répliqua Dorothée, qui avait suivi la cérémonie avec l’intérêt d’un moine faisant une tournée de vacances. Il me semble que tout ce que nous savons de nos voisins, c’est qu’ils vivent dans des chaumières. On se demande toujours quelle sorte de vie mènent les autres, et comment ils prennent les choses. Je suis vraiment bien obligée à mistress Cadwallader d’être venue me chercher dans la bibliothèque pour me faire voir cela.

— C’est très aimable à vous de m’en être obligée, dit mistress Cadwallader. Vos riches fermiers de Lowick sont aussi curieux à regarder que des buffles ou des bisons, et je suis sûre que vous n’en voyez pas la moitié à l’église.