Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/66

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portière ne la regardait pas moins comme une personne d’importance,

— Eh bien, mistress Fitchett, vos poules pondent-elles à présent ? dit la dame aux yeux noirs et au teint fortement coloré, d’un ton de voix clair et décidé.

— Cela va assez bien quant à la ponte, madame ; mais ne se sont-elles pas mises à manger leurs œufs ? Je ne puis avoir l’esprit en repos avec ces bêtes.

— Oh ! les cannibales ! Vous feriez mieux de les vendre tout de suite à n’importe quel prix ; combien demandez-vous pour une paire ? Ça ne vaut pas bien cher, des volailles d’un si mauvais naturel.

— Eh bien, madame, ce sera une demi-couronne ; je ne puis les laisser à moins.

— Une demi-couronne ?… où en sommes-nous, grand Dieu ! Allons, voyons ! Pour le bouillon de poulet du recteur, le dimanche. Il a déjà consommé tous les poulets de ma basse-cour ; et vous êtes à demi payée par le sermon, mistress Fitchett, ne l’oubliez pas. Prenez une paire de pigeons sauteurs en échange, de vraies merveilles. Il faudra venir les voir.

— Eh bien, madame, M. Fitchett, après son travail, ira les voir ; il s’intéresse beaucoup aux espèces nouvelles, et il ne demande pas mieux que de vous obliger.

— M’obliger ? Il n’aura jamais fait un si beau marché ! Une paire de pigeons d’Église pour une couple de volailles espagnoles qui mangent leurs œufs ! Ne vous en vantez surtout pas trop, vous et Fitchett, voilà tout !

Toute ladre et toute brusque de langage que se montrât la femme du recteur, les fermiers et les paysans de Tipton et de Freshitt auraient ressenti un grand vide dans leurs conversations s’ils n’avaient eu à se raconter les faits et gestes de mistress Cadwallader. Cette dame, de noble