Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/100

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identité momentanée et frappante avec la jeune fille d’autrefois. Elle dit enfin d’un air décidé :

— Ma plus grande satisfaction, Camden, c’est de penser que vous l’avez mérité.

— C’est après avoir reçu une faveur, ma mère, qu’on doit encore s’efforcer de la mériter, répliqua le fils, débordant de joie et ne cherchant pas à le dissimuler.

Le bonheur répandu sur son visage semblait indiquer assez d’énergie et de force active non seulement pour briller au dehors, mais pour éclairer au dedans de lui-même une sérieuse vision. On croyait voir des pensées aussi bien que de la joie dans son regard.

— Maintenant, tante, poursuivit-il en se frottant les mains et en regardant miss Noble qui faisait entendre de doux petits bruits de castor, il y aura toujours du sucre candi sur la table, pour que vous puissiez en dérober et en porter aux enfants, et vous aurez en quantité des bas neufs à distribuer, et vous repriserez les vôtres d’autant plus.

Miss Noble fit à son neveu un petit signe de tête avec un rire soumis à demi effrayé, songeant qu’elle avait déjà glissé dans son panier un morceau de sucre de plus en l’honneur de la nomination.

— Quant à vous, Winny, continua le vicaire, il ne sera pas difficile maintenant de vous marier à quelque célibataire de Lowick, M. Salomon Featherstone, par exemple, dès que je m’apercevrai que vous êtes éprise de lui.

Miss Winnifred qui n’avait cessé de contempler son frère et qui pleurait à chaudes larmes, ce qui était sa manière de se réjouir, sourit à travers ses pleurs, disant :

— Il faut que vous me donniez l’exemple, Cam ; il faudrait vous marier maintenant.

— De tout mon cœur. Mais qui est-ce qui peut bien vouloir de moi ? Je suis un vieux garçon râpé ; qu’en dites-vous, ma mère ?