Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/117

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n’est pas très affectueux, et sa pauvre mère est partie, maintenant. Pour dire la vérité, j’étais venu par amour pour vous, Nick : j’étais venu m’enquérir de votre adresse — voyez cela ! Raffles tira de sa poche un papier chiffonné.

Tout autre que Caleb Garth eût été tenté de s’attarder en ce lieu, pour en entendre davantage sur le compte d’un homme dont la liaison avec M. Bulstrode semblait impliquer dans la vie du banquier des passages très différents de ce qu’on savait de lui dans le pays. Mais Caleb était particulier : certaines tendances de la nature humaine, puissantes d’ordinaire, lui faisaient presque absolument défaut, et notamment la curiosité en matière d’affaires personnelles. Quand il s’agissait surtout de découvrir quelque chose de déshonorant pour autrui, Caleb préférait ne rien savoir ; et s’il avait à informer un inférieur de la découverte de ses fautes, il était plus embarrassé que le coupable. Il donna de l’éperon et disant : « Je vous souhaite le bonsoir, monsieur Bulstrode, il faut que je rentre », il s’éloigna au trot.

— Vous n’avez pas mis votre adresse complète sur cette lettre, continua Raffles. Cela ne ressemble pas au parfait homme d’affaires que vous aviez coutume d’être. « Les Bosquets », cela peut être partout ; vous habitez près d’ici, eh ? — Vous avez cessé complètement toute affaire à Londres ? — Vous êtes devenu peut-être un squire de campagne ? — Avez-vous un manoir rural où vous pourrez m’inviter ? Seigneur, que d’années se sont passées ! La vieille dame doit être morte depuis bien longtemps, — entrée dans la gloire sans avoir eu le chagrin de connaître la misère de sa fille, eh ? Mais, par Jupiter ! comme vous êtes pâle et défait, Nick ! Allons, si vous rentrez chez vous, je vais marcher à côté de vous.

La pâleur ordinaire de M. Bulstrode avait pris en effet une teinte de mort. Cinq minutes auparavant, toute l’étendue de sa vie se noyait dans le soleil couchant de son déclin,