Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/126

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— Non, j’attendrai que vous me l’apportiez. Je ferai un tour de promenade et je mangerai un morceau ; jusque-là vous serez de retour.

M. Bulstrode, avec un corps maladif, troublé par les agitations qu’il avait subies depuis la veille, avait le sentiment humiliant d’être au pouvoir de cet homme fort et invulnérable. En ce moment même, il n’aspirait qu’à acheter à tout prix une tranquillité momentanée. Il se levait pour se conformer au désir de Raffles, lorsque celui-ci levant un doigt, comme par une soudaine réminiscence, reprit la parole :

— Je me suis encore une fois occupé de rechercher Sarah, bien que je ne vous l’aie pas dit ; j’avais conservé un tendre souvenir pour cette belle jeune femme. Je ne l’ai pas retrouvée elle-même, mais j’ai découvert le nom de son mari, et j’en ai pris note. Mais, que je sois pendu, j’ai perdu mon portefeuille. Pourtant, si je l’entendais prononcer, je le reconnaîtrais. J’ai conservé mes facultés comme à la fleur de l’âge, seulement les noms m’échappent, par Jupiter ! Si j’entends parler d’elle et de sa famille, vous le saurez, Nick. Vous aimeriez à faire quelque chose pour elle, c’est votre belle-fille.

— Sans doute ! dit M. Bulstrode le dévisageant du regard profond de ses yeux gris clair ; bien que cela dût peut-être réduire mes moyens de vous aider.

Lorsqu’il sortit de la chambre, Raffles lui adressa lentement par derrière son petit clignement d’yeux, puis se dirigea vers la fenêtre pour surveiller le banquier qui s’éloignait, — on pourrait dire par ses ordres. Ses lèvres se rapprochèrent d’abord en un sourire, puis s’ouvrirent avec un petit rire triomphant.

— Mais, du diable, quel était ce nom ? dit-il alors presque à haute voix, se grattant la tête et fronçant les sourcils.

Il n’avait en réalité pas pris garde jusque-là, pas même pensé, à cet oubli, lorsqu’il lui revint à l’esprit, au milieu