Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/13

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

présence d’une femme parfaite, on ne pense jamais à ses mérites, on a la conscience de sa présence et c’est assez.

— Je serai jalouse, lorsque Tertius ira à Lowick, dit Rosemonde en découvrant ses fossettes, et parlant avec une grâce idéale. Quand il reviendra, je ne serai plus rien pour lui.

— Il ne semble pas que cet effet se soit produit jusqu’ici sur Lydgate. Mistress Casaubon est trop différente des autres femmes pour qu’on puisse les lui comparer.

— Vous êtes, à ce que je vois, un fervent adorateur. Vous la voyez souvent, j’imagine.

— Non, fit Will presque avec humeur. En général, l’adoration est plutôt affaire de théorie que de pratique. Mais je suis en train pour le moment de la pratiquer avec excès, — il faut réellement que je m’arrache d’ici.

— Revenez un de ces soirs, voulez-vous : M. Lydgate sera heureux d’entendre cette musique, et moi je n’en puis autant jouir, quand il n’est pas là.

Lorsque son mari fut rentré, Rosemonde lui dit, en se plaçant en face de lui et tenant de ses deux mains le collet de son habit

— M. Ladislaw était ici, en train de faire de la musique avec moi, quand mistress Casaubon est entrée. Il a paru contrarié. Croyez-vous qu’il fût fâché qu’elle le vît dans notre maison ? Notre situation est plus qu’égale à la sienne, quelle que soit d’ailleurs sa parenté avec les Casaubon.

— Non, non ; s’il a été réellement fâché, ce devait être pour une autre raison. Ladislaw est une espèce de bohème ; il ne se soucie pas des différences entre le cuir et la prunelle.

— Musique à part, il n’est pas toujours très agréable. L’aimez-vous ?

— Oui, je crois que c’est un brave garçon : c’est un mélange, une espèce de bric-à-brac, mais sympathique.