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Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/135

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bougeait sous la lumière du soleil ; la scène familière, toujours la même, semblait représenter l’avenir de sa vie, pleine d’une aisance inutile tant que son énergie ne découvrirait pas de puissantes raisons d’agir. La coiffe des veuves, à cette époque faisait au visage un cadre ovale avec une petite couronne se dressant sur le devant ; la robe se composait du plus de crêpe possible ; mais la grave solennité du costume faisait paraître son visage plus jeune encore, avec l’éclat du teint qu’elle avait retrouvé et la douce candeur interrogative de ses yeux songeurs.

Sa rêverie fut interrompue par Tantripp, qui vint annoncer que M. Ladislaw était en bas et demandait la permission de voir madame, s’il n’était pas de trop bonne heure.

— Je le recevrai, dit Dorothée se levant aussitôt, qu’on le fasse entrer au salon.

De toute la maison, le salon était pour elle la pièce la plus insignifiante, la moins associée aux épreuves de sa vie conjugale. Le damas en était assorti à la boiserie qui était blanc et or ; avec deux grandes glaces et des tables nues ; c’était une de ces pièces où il n’y a pas de raison pour s’asseoir dans un coin plutôt que dans un autre ; elle était au-dessous du boudoir et avait également un bow-window donnant sur l’avenue. Quand Pratt y fit entrer Will Ladislaw, la fenêtre était ouverte et un visiteur ailé bourdonnant tantôt en dehors, tantôt en dedans, donnait à l’appartement un air moins cérémonieux et moins inhabité.

— Heureux de vous revoir ici, monsieur, dit Pratt s’attardant à arranger un volet.

— Je ne suis venu que pour prendre congé, Pratt, répondit Will, désirant que le sommelier lui-même sût bien qu’il était trop fier pour tourner autour d’une riche veuve.

— Très peiné de l’apprendre, monsieur, dit Pratt en se retirant.

Comme un domestique qui ne devait être au courant de