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Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/164

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— Dieu vous bénisse, Caleb ! Nos enfants ont un bon père.

Puis elle sortit et se laissa aller à un vigoureux accès de larmes, en compensation des paroles qu’elle avait dû contenir. Élie était certaine qu’on se méprendrait sur la conduite de son mari et sur le compte de Fred, elle était pleine de sagesse et sans beaucoup d’espoir. On verrait plus tard qui avait eu le plus de prévoyance, elle dans sa sagesse ou Caleb dans son ardente générosité !

Lorsque Fred se rendit au bureau, le lendemain matin, un examen l’y attendait, qu’il n’était pas préparé à passer.

— Maintenant, Fred, dit Caleb, vous aurez un peu de travail de bureau. J’ai toujours fait pas mal d’écriture moi-même, mais il me faut un aide, et comme je désire que vous appreniez la comptabilité et que vous vous mettiez les valeurs dans la tête, j’ai l’intention de ne pas prendre d’autre employé. De quelle force êtes-vous en écriture et en arithmétique ?

Fred ressentit au cœur une sensation désagréable ; il n’avait pas pensé à un travail de bureau ; mais il était bien résolu à ne pas reculer.

— Je ne crains pas l’arithmétique, monsieur Garth ; j’ai toujours eu de la facilité pour l’apprendre. Pour mon écriture, je crois que vous la connaissez.

— Voyons, dit Caleb, prenant une plume, l’examinant avec soin et la tendant à Fred, bien trempée d’encre, avec une feuille de papier réglé. Copiez-moi une ou deux lignes de cette évaluation, avec les chiffres qui sont au bas.

À cette époque, l’opinion tenait pour au-dessous d’un gentleman d’écrire lisiblement, ou d’une écriture qui rappelât en rien celle d’un employé de bureau. Fred copia les lignes demandées d’une écriture aussi distinguée que celle de n’importe quel vicomte ou quel évêque de l’époque : les voyelles se ressemblaient toutes, et les consonnes n’étaient reconnais-