Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/168

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— J’espère que vous ne vous opposerez pas à ce que je reste à la maison, monsieur ? demanda-t-il après s’être levé pour partir ; j’aurai des appointements suffisants pour payer ma pension, comme je désire le faire, naturellement.

— Que votre pension aille se faire pendre ! dit M. Vincy revenant à lui dans son déplaisir, en songeant que la place de Fred manquerait tristement à table. Naturellement, votre mère voudra que vous restiez. Mais je n’entretiendrai plus de cheval pour vous, vous le comprenez ; et vous payerez votre tailleur. Vous vous contenterez avec un ou deux costumes de moins, j’imagine, quand vous aurez à les payer.

Fred s’attardait dans la chambre ; il y avait encore quelque chose à dire ; enfin il prit sa résolution.

— J’espère que vous me donnerez une poignée de mains, père, et que vous me pardonnerez le mécontentement que je vous ai causé.

M. Vincy jeta, de sa chaise, un rapide regard à son fils qui s’était rapproché de lui, puis il lui tendit la main en disant précipitamment :

— Oui, oui, n’en parlons plus !

Fred eut à recommencer son récit avec explications beaucoup plus détaillées à sa mère, mais elle se montra inconsolable, ayant devant les yeux une chose à laquelle son mari n’avait peut-être jamais pensé, la certitude que Fred épouserait Mary Garth, que sa vie, à elle, serait désormais empoisonnée par un perpétuel contact avec les Garth et leurs manières, et que son fils chéri, avec sa jolie figure et son air distingué, « bien supérieur au fils de n’importe qui à Middlemarch », en arriverait sûrement à cette médiocrité d’apparence et à cette insouciance dans la mise qui caractérisaient cette famille ! Il lui semblait qu’il y avait une véritable conspiration Garth pour s’emparer de ce Fred si désirable, mais elle n’osa pas s’étendre sur cette opinion ; car à la plus légère allusion, il « éclata » contre elle, comme cela ne lui