Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/220

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jardin, aussi lui ai-je dit : Vous ferez bien de vous en aller, ce chien est très féroce et je ne puis Le retenir. Est-Il vrai que vous sachiez quelque chose de cet homme ?

— Je crois savoir qui il est, ma chère, dit M. Bulstrode, de sa voix éteinte. Un malheureux de mauvaise vie, que j’ai trop aidé jadis. Cependant j’aime à croire que vous n’aurez plus l’ennui de sa présence. Il viendra à la banque, et pour mendier sans aucun doute.

Ils n’en dirent pas plus long sur ce sujet jusqu’au lendemain, à l’heure où M. Bulstrode, de retour de la ville s’habilla pour le dîner. Sa femme n’étant pas sûre qu’il fût rentré, ouvrit la porte de son cabinet de toilette, et le vit qui avait ôté son habit et sa cravate, s’appuyant d’un bras sur la commode et regardant distraitement à terre. Il tressaillit d’un mouvement nerveux et leva les yeux lorsqu’elle entra.

— Comme vous avez l’air malade, Nicolas ! Auriez-vous quelque sujet d’ennui ?

— J’ai un fort mal de tête, répondit M. Bulstrode, qui était si fréquemment souffrant que sa femme était toujours prête à croire à cette cause d’abattement.

— Asseyez-vous, et permettez-moi de vous éponger avec du vinaigre.

M. Bulstrode n’avait pas, en réalité, besoin de vinaigre. Mais cette tendre attention lui fit du bien. Quoique toujours poli, il recevait d’habitude très froidement ces genres de services, les considérant comme du devoir de la femme. Mais cette fois, tandis qu’elle était penchée sur lui, occupée à lui baigner les tempes :

— Vous êtes bien bonne, Henriette, fit-il d’une voix qui avait quelque chose de nouveau pour l’oreille de mistress Bulstrode ; elle ne se rendit pas bien compte de ce qu’était ce quelque chose de nouveau, mais sa sollicitude d’épouse se transforma aussitôt en cette pensée rapide qu’il allait peut-être prendre une maladie.