Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/227

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fille et consentit à se marier sans réserve de fortune. La fille avait cependant été retrouvée ; mais il n’y eut, avec Bulstrode, qu’un homme qui le sût, et cet homme fut payé pour garder le silence et s’éloigner.

Tel était le fait qui maintenant s’imposait à Bulstrode dans sa simple réalité.

Mais, dans ces temps éloignés et même encore aujourd’hui avec ses souvenirs cuisants, il n’avait jamais manqué pour aucun épisode de sa carrière, de raisonnements qui en paraissaient la justification.

Des circonstances providentielles remarquables avaient jusqu’ici paru le sanctionner, lui indiquer le chemin à suivre pour être l’agent de cette Providence, en faisant le meilleur emploi possible d’une grande fortune et en la soustrayant à de mauvais usages. La mort, et d’autres circonstances frappantes telle que la confiance qu’il avait su inspirer à une femme, étaient venues ; et Bulstrode aurait pu s’approprier les paroles de Cromwell : « Appelez-vous cela des événements ordinaires ? Le Seigneur ait pitié de vous ! » Ces événements pouvaient être relativement insignifiants, mais la condition essentielle était là, c’est-à-dire qu’ils étaient en accord avec ses projets. Il lui était facile d’établir ce qu’il devait aux autres, en recherchant quelles étaient les intentions de Dieu à son égard.

Pouvait-il être profitable au service de Dieu qu’une partie considérable de sa fortune passât à une jeune femme et au mari de cette jeune femme, adonnés aux occupations les plus profanes, qui ne pourraient que la gaspiller misérablement, à l’étranger ? des gens, en un mot, qui semblaient être en dehors du sentier des circonstances providentielles ? Bulstrode ne s’était jamais dit d’avance : « On ne retrouvera pas la fille de mistress Dunkirk. » Mais le moment venu il eut soin de tenir son existence cachée, quitte plus tard à adoucir le chagrin de la mère et à la consoler en lui