Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/456

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qu’il me hait parce que, — parce que hier vous vous êtes méprise sur son compte. Il dit que c’est à cause de moi que vous penserez mal de lui, que vous le croirez faux. Mais ce ne sera pas à cause de moi. Il n’a jamais eu d’amour pour moi, je sais qu’il n’en a jamais eu ; il n’a jamais eu qu’une pauvre opinion de moi. Il me disait hier qu’à côté de vous n’existait pas d’autre femme pour lui. Que le blâme de ce qui est arrivé retombe tout entier sur moi. Il m’a dit qu’à cause de moi il ne pourrait jamais s’expliquer avec vous. Il m’a dit que plus jamais vous ne pourriez l’estimer. Mais maintenant je vous ai tout dit, et il ne pourra plus rien me reprocher.

Sous l’empire d’impulsions qu’elle n’avait jamais connues auparavant, Rosemonde avait délivré son âme. Elle avait commencé sa confession sous l’influence entraînante de l’émotion de Dorothée ; et à mesure qu’elle continuait, le sentiment s’établissait en elle, qu’elle éloignait d’elle ces reproches de Will qui étaient encore au fond de son cœur comme une blessure saignante.

La révulsion des sentiments chez Dorothée était trop forte pour s’appeler de la joie. C’était un tumulte dans lequel le terrible effort de la nuit et de la matinée laissait encore son empreinte de douleur ; elle pouvait seulement entrevoir que tout cela deviendrait de la joie, quand elle aurait recouvré le pouvoir de le sentir. Sur le moment elle n’éprouvait rien qu’une immense sympathie sans contrainte ; elle n’avait plus de lutte à soutenir désormais pour s’occuper de Rosemonde et elle répondit gravement à ses dernières paroles :

— Non, il ne pourra plus rien vous reprocher.

Avec sa disposition à exalter toujours le bien chez les autres, elle se sentit au cœur un grand élan vers Rosemonde, pour le généreux effort qui l’avait délivrée de sa souffrance, sans voir dans cet effort le reflet de sa propre énergie.

Après un moment de silence, elle dit :