Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/468

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cette pénible histoire concernant ma famille. Je la connaissais moi-même avant de partir, et j’avais toujours eu l’intention de vous en parler si… si jamais nous nous rencontrions encore.

Dorothée fit un léger mouvement et ne disjoignit ses mains, que pour les replier presque aussitôt l’une sur l’autre.

— Mais cette histoire est devenue maintenant matière à bavardage, poursuivit Wiil. Il s’y rattache, et c’est là ce que je désirais que vous sachiez, un incident antérieur à mon départ et qui a contribué à me faire revenir. Une somme que Bulstrode avait voulu me donner, j’ai eu l’idée de la lui faire consacrer à une œuvre d’utilité. Peut-être est-ce plutôt à l’honneur de Bulstrode, de m’avoir en secret offert un dédommagement pour un tort ancien. Il voulait me faire accepter un joli revenu, mais vous avez appris, je suppose, cette fâcheuse histoire ?

Will regardait Dorothée d’un air d’incertitude, mais il retrouvait, en parlant, un peu de ce courage audacieux avec lequel il envisageait toujours le fait de sa destinée.

— Vous comprenez, ajouta-t-il, que cela ne peut m’être que très pénible.

— Oui, oui, je sais, dit Dorothée vivement.

— Je n’ai pas voulu accepter de rentes venant d’une telle source. J’étais sûr que vous auriez mal pensé de moi si je l’avais fait. — Pourquoi aurait-il craint de lui parler ainsi maintenant ? Elle savait qu’il avait avoué son amour pour elle. Je sentais que…

Il s’arrêta cependant.

— Vous avez agi comme je l’aurais pensé, dit Dorothée dont le visage s’illumina, sa tête se redressant plus encore sur sa tige superbe.

— Je n’ai pas cru que vous laisseriez aucune circonstance de ma naissance créer contre moi une prévention dans votre cœur, tandis que pour les autres ce devait être le contraire,