Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/50

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Vous vous méprenez tout à fait sur le sens de mes paroles, Ladislaw, dit Lydgate surpris.

Préoccupé de se justifier lui-même, il n’avait pas songé à ce que Ladislaw pourrait en inférer pour son compte.

— Je vous demande pardon de vous avoir blessé sans le vouloir. Le fait est que je vous attribuais bien plutôt un mépris romanesque de vos intérêts de ce monde. Quant à la question politique, j’en référais simplement à l’influence intellectuelle.

— Que vous êtes, tous les deux, désagréables ce soir ! dit Rosemonde. Je ne puis concevoir pourquoi vous avez été chercher cette question d’argent. La politique et la médecine sont bien assez déplaisantes pour suffire à la discussion. Une fois lancés sur ces deux sujets, vous êtes capables de continuer à vous quereller ensemble ou avec l’univers indéfiniment.

Rosemonde, ayant ainsi parlé du son ton ordinaire d’impartiale douceur, se leva pour tirer la sonnette et revint ensuite à sa table à ouvrage.

— Pauvre Rosy ! dit Lydgate, lui prenant la main au moment où elle passait devant lui. Les disputes n’ont aucun attrait pour les chérubins. Faites un peu de musique, demandez à Ladislaw de chanter avec vous.

Quand Will fut parti, Rosemonde dit à son mari :

— Qu’est-ce qui vous a mis de mauvaise humeur, ce soir, Tertius ?

— Moi ? C’est Ladislaw qui était de mauvaise humeur. C’est un vrai fagot d’épines.

— Avant cela, veux-je dire. Quelque chose vous avait contrarié avant votre retour, vous aviez l’air ennuyé. Et c’est cela qui vous a fait engager la discussion avec M. Ladislaw. Vous me faites beaucoup de peine lorsque vous êtes ainsi, Tertius.

— Je vous fais de la peine, je suis une brute alors, dit Lydgate, la caressant d’un air de repentir.