Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/54

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Néanmoins, comme le débat intérieur tournait nécessairement autour de Dorothée, il finit, comme il finissait toujours, par sentir seulement avec plus de force ce que la présence de cette femme serait pour lui ; et, réfléchissant que le lendemain était un dimanche, il résolut de se rendre à l’église de Lowick pour l’y voir. Il s’endormit sur cette idée, mais, quand il fut en train le lendemain de s’habiller à la clarté très réelle du matin, l’objection parla ainsi :

« — Ce sera défier la défense de M. Casaubon que d’aller à Lowick et Dorothée sera mécontente.

» — Sottise repartit l’inclination. Ce serait par trop monstrueux de sa part de m’empêcher d’aller par une matinée de printemps à une jolie église de campagne. Et Dorothée sera contente.

» — Il sera évident pour M. Casaubon que vous êtes venu soit pour le contrarier, soit pour voir Dorothée.

» — Il n’est pas vrai que j’y aille pour le contrarier, et pourquoi n’irais-je pas pour voir Dorothée ? Doit-il tout avoir pour lui et être toujours heureux ? qu’il souffre un peu comme tant d’autres ! J’ai toujours aimé l’originalité de cette église et de cette congrégation ; et puis je connais les Tucker, j’irai dans leur banc. »

Ayant fait taire l’objection par la force de la déraison, Will s’en alla vers Lowick comme il s’en serait allé sur le chemin du paradis, traversant Halsell-Common et longeant la forêt où la lumière du soleil passait en rayons abondants à travers les rameaux en bourgeons, et faisait ressortir l’éclat de la mousse, des lichens et des pousses vertes perçant l’écorce brune. Tout semblait chanter le dimanche, tout semblait fêter Will et approuver sa joyeuse promenade. Il se sentait facilement heureux, quand rien ne venait troubler son humeur, et à cette heure, la pensée de vexer M. Casaubon était devenue pour lui tout à fait divertissante et épanouissait sur son visage son joyeux sourire habituel,