Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/61

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crayon. C’est le premier pas dans un procédé de revision auquel j’ai longtemps réfléchi, et à mesure que nous avancerons, je vous indiquerai certains principes pour le choix des sujets, qui vous permettront, je pense, de participer avec intérêt à ce que j’ai en vue de faire.

Cette proposition n’était qu’un signe de plus, ajouté à bien d’autres depuis la mémorable entrevue avec Lydgate, que la répugnance première de M. Casaubon à laisser Dorothée travailler avec lui avait fait place à une disposition diamétralement contraire.

Il y avait deux heures qu’elle lisait et marquait, lorsqu’il dit :

— Nous allons monter ce volume et le crayon, si vous le voulez bien, et au cas que nous lisions cette nuit nous pourrons avancer notre travail. Cela ne vous ennuie pas, je pense, Dorothée ?

— Je préfère toujours lire ce que vous-même préférez entendre, dit Dorothée, exprimant la simple vérité, car ce qu’elle craignait par-dessus tout, c’était, quoi qu’elle fît à grand effort, de le laisser toujours aussi triste qu’auparavant.

Une preuve de la force avec laquelle certains traits caractéristiques de Dorothée s’imprimaient dans l’esprit de son entourage, c’est que son mari, avec toute sa jalousie et ses soupçons, avait acquis une confiance aveugle dans la sûreté de ses promesses et dans sa faculté de se dévouer à son idée du juste et du bien. Il avait commencé tout dernièrement à s’apercevoir que ces qualités étaient pour lui-même une bonne fortune précieuse, et il voulait les accaparer.

La lecture se fit au milieu de la nuit, comme il l’avait prévu. Dorothée, vaincue par la fatigue et grâce à sa jeunesse, s’était endormie vite et profondément. Elle fut réveillée par l’impression qu’il y avait quelque part une lumière, et que cette lumière était celle du soleil couchant sur le