Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/73

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aménité ordinaire, offrait un spectacle exaspérant d’obstination.

— Mon Dieu ! dit sir James avec autant de passion qu’il était susceptible d’en témoigner, trouvons-lui un poste quelconque ; dépensons de l’argent pour lui. S’il pouvait entrer dans le personnel de quelque gouverneur colonial ! Grampus pourrait le prendre et je pourrais en écrire à Fulke.

— Mais Ladislaw ne se laissera pas embarquer comme une pièce de bétail, mon cher ami ; Ladislaw a ses idées. Mon opinion est que, s’il me quittait demain, on n’en bavarderait que davantage sur son compte, dans le pays. Avec son talent de parler et de classer des documents, il y a peu d’hommes qui pourraient l’égaler comme agitateur public, agitateur public, vous savez.

— Agitateur public ! fit sir James avec une énergie amère, sentant que les syllabes de ces mots, répétées comme il convenait, témoignaient suffisamment de leur caractère odieux.

— Mais soyez raisonnable, Chettam. Parlons de Dorothée, maintenant. Comme vous le dites, elle fera bien d’aller chez Célia le plus tôt possible. Elle pourra rester sous votre toit, et dans l’intervalle les choses s’arrangeront peut-être tout tranquillement d’elles-mêmes. Ne déchargeons pas nos fusils avec trop de précipitation, vous savez. Standish nous gardera le secret, et cette nouvelle sera de l’histoire ancienne avant d’être connue. Vingt choses peuvent arriver pour éloigner Ladislaw, sans que je fasse rien moi-même.

— Il me reste alors à conclure que vous refusez de rien faire ?

— Refusé, Chettam, non, je n’ai pas dit refusé. Mais je ne vois réellement pas ce que je pourrais faire. Ladislaw est un gentleman.

— Je suis heureux de l’apprendre ! Mais sûrement Casaubon n’en était pas un.