Page:Eliot - Silas Marner.djvu/118

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les yeux, — on eût dit qu’il essayait de voir les boucles d’oreilles, — il parut renoncer à l’effort et dit :

« Eh bien, il avait dans sa boîte des boucles d’oreilles à vendre ; il est donc naturel de supposer qu’il pouvait les porter. Mais il a passé dans presque toutes les maisons du village : il y a peut-être quelque autre personne qui les lui a vues aux oreilles, bien que je ne puisse prendre sur moi d’affirmer la chose. »

M. Snell avait eu raison de supposer que quelqu’autre personne se souviendrait des boucles d’oreilles ; car, l’enquête se poursuivant dans la paroisse, on fit savoir, avec une énergie de plus en plus vive, que le pasteur avait demandé à être informé si le colporteur portait des boucles d’oreilles, et un courant d’opinion s’établit qu’il importait beaucoup que le fait fût élucidé. Naturellement, tous ceux qui entendirent la question, et qui ne s’étaient fait aucune image distincte du colporteur sans boudes d’oreilles, se le représentèrent immédiatement avec des boucles d’oreilles plus ou moins grandes, suivant le cas. L’image fut bientôt prise pour un souvenir vivant. En conséquence, l’épouse du vitrier — femme qui avait de bonnes intentions et n’était point adonnée au mensonge, et dont la maison était une des mieux tenues du village — se trouva prête à déclarer, qu’aussi sûrement qu’elle devait communier à la prochaine fête de Noël, elle avait vu de grosses boucles, ayant la forme du croissant de la nouvelle lune, aux