Page:Eliot - Silas Marner.djvu/133

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Le squire avait mis là son couteau et sa fourchette, et regardait son fils fixement et avec stupéfaction. Son esprit n’était pas assez subtil pour deviner ce qui avait probablement pu causer un renversement aussi étrange des rapports entre le père et le fils, que cette proposition de Godfrey de lui donner cent livres sterling.

« La vérité est, mon père,… j’en suis bien fâché,… j’ai eu grand tort, dit Godfrey, Fowler a bien payé les cent livres sterling. Il me les a remises lorsque je suis allé là bas, le mois dernier. Mais Dunsey m’a tourmenté pour avoir l’argent, et je le lui ai laissé parce que j’espérais pouvoir vous le rendre plus tôt. »

Le squire, devenu rouge de colère avant que son fils eût fini de parler, ne parvint qu’avec difficulté à s’exprimer :

« Vous avez laissé l’argent à Dunsey, monsieur ? Et depuis quand êtes-vous si intime avec votre frère, que vous soyez obligé de vous liguer avec lui pour détourner mon argent ? Êtes-vous en train de devenir un vaurien ? Je vous dis que je ne souffrirai pas cela. Je chasserai toute votre séquelle en même temps, et je me remarierai. Je voudrais, monsieur, que vous vous souvinssiez que ma propriété n’est pas un bien inaliénable. Depuis l’époque de mon grand-père, les Cass peuvent disposer de leur terre comme bon leur semble. N’oubliez pas cela, monsieur. Vous avez laissé l’argent à Dunsey ! Pourquoi laisser l’argent à Dunsey ? Il y a quelque mensonge là-dessous.