Page:Eliot - Silas Marner.djvu/222

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« Je ne sais pas, — l’enfant de quelque pauvre femme qu’on a trouvée dans la neige, je crois, » fut la réponse que Godfrey s’arracha du cœur avec un effort terrible. « Après tout, suis-je bien certain ? » se hâta-t-il d’ajouter en lui-même, pour prévenir sa conscience.

« Mais vous feriez mieux alors de la laisser ici, maître Marner, » dit l’excellente Mme Kimble, hésitant cependant à mettre les vêtements souillés de la petite en contact avec son corset de satin broché. « Je vais dire à une des servantes de venir la prendre.

— Non, non, je ne puis pas m’en séparer, je ne puis pas la donner, répondit Silas brusquement. Elle est venue à moi, j’ai droit de la garder. »

Cette proposition de lui retirer l’enfant avait été adressée à Silas sans qu’il s’y attendit le moins du monde, et ses paroles, prononcées sous l’influence d’une impulsion forte et soudaine, furent presque comme une révélation qu’il se fit à lui-même. Une minute auparavant, il n’avait aucune intention précise au sujet de l’enfant.

« Avez-vous jamais entendu pareille chose ? dit Mme Kimble un peu surprise, à sa voisine.

— Maintenant, mesdames, je dois vous prier de me laisser passer, » dit M. Kimble, sortant de la salle de jeu, et assez irrité de l’interruption, mais rompu par le long exercice de sa profession à obéir aux appels désagréables, même lorsqu’il avait un peu trop bu.