Page:Eliot - Silas Marner.djvu/299

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serait toujours reconnaissante envers «on père adoptif, et il serait bien pourvu jusqu’à la fin de sa vie, — pourvu comme le méritait sa noble conduite envers l’enfant. N’était-ce pas une chose convenable que des gens d’un rang supérieur prissent un fardeau des mains d’un homme d’une condition plus humble ? Cela parafait éminemment convenable à Godfrey pour des raisons que lui seul connaissait, et, suivant une erreur commune, il s’imaginait que cette mesure serait facile à prendre, parce qu’il avait des motifs particuliers de la désirer. C’était là une façon quelque peu grossière d’apprécier les rapports qui existaient entre Silas et Eppie. Mais il faut se souvenir que beaucoup des impressions que Godfrey pouvait recueillir, au sujet de la classe ouvrière de son voisinage, étaient de nature à favoriser chez lui l’opinion que les affections profondes ne s’harmonisaient guère avec les mains calleuses et les faibles moyens d’existence du peuple. D’ailleurs, il n’avait pas eu l’occasion — à supposer même qu’il en eût été capable — de pénétrer intimement tout ce qui était exceptionnel dans la vie du tisserand. Il n’y avait qu’un manque d’information suffisante qui pût déterminer Godfrey à entretenir, de propos délibéré, un projet barbare. Sa bonté naturelle avait survécu à l’époque flétrissante de ses cruels désirs, et l’éloge que Nancy faisait de son mari ne reposait pas tout à fait sur une illusion volontaire.

« J’ai eu raison, » se dit-elle, lorsqu’elle se fut re-