Page:Eliot - Silas Marner.djvu/307

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« Pensez-vous qu’il se soit noyé ? » dit Nancy, presque étonnée que son mari fût si profondément ébranlé concernant ce qui était arrivé il y avait tant d’années, à un frère qu’il n’aimait point, et au sujet duquel on avait auguré quelque chose de pis.

« Non, il est tombé dans la Carrière, » dit Godfrey à voix basse, mais distinctement, comme s’il voulait exprimer que le fait impliquait quelque chose de plus. Peu après, il ajouta : « Dunstan est l’homme qui a volé Silas Marner. »

La surprise et la honte firent affluer le sang au visage et au cou de Nancy, qui avait été élevée à regarder comme un déshonneur, même les crimes de parents éloignés.

« Hélas ! Godfrey, » dit-elle, d’un ton compatissant, car elle avait immédiatement songé que son mari devait ressentir le déshonneur plus vivement qu’elle encore.

« L’argent était dans la Carrière, continua-t-il, — tout l’argent du tisserand. Tout a été recueilli, et on est en train de porter le squelette à l’Arc-en-Ciel. Mais je suis revenu vous le dire ; je n’ai pas pu m’en empêcher ; il fallait que vous l’apprissiez. »

Il resta silencieux, regardant à terre pendant deux longues minutes. Nancy aurait proféré quelques paroles pour adoucir cette honte de famille, si elle n’eût été retenue par le sentiment instinctif que Godfrey avait encore quelque chose à lui dire. Bientôt, il leva les yeux et regarda fixement le visage de Nancy, en disant :