Page:Eliot - Silas Marner.djvu/328

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Peut-être n’est-ce pas de votre côté seulement qu’il faille se résigner à faire un sacrifice. Du moment que votre père vous ouvre sa demeure, il me semble qu’il serait raisonnable, à vous, de ne pas la fuir.

— Je ne puis pas me figurer que j’aie un autre père que le mien, » dit Eppie, avec impétuosité, et les larmes lui montaient aux yeux, « Mon rêve a toujours été d’avoir un petit chez-nous, où il serait assis au coin du foyer, tandis que je travaillerais et que je ferais tout ce qu’il faut pour lui. Je ne puis pas m’imaginer une autre demeure que la nôtre. Je n’ai pas été élevée pour être une dame, et je ne saurais m’habituer à cette idée. J’aime les ouvriers, leur nourriture et leurs coutumes. Et, termina-t-elle, d’un ton véhément, pendant que ses larmes tombaient, je suis fiancée à un ouvrier qui habitera avec mon père, et qui m’aidera à en prendre soin. »

Godfrey porta ses regards sur Nancy ; il avait le visage enflammé, et ses yeux dilatés lui cuisaient. Cet échec d’un projet qu’il avait entrepris, avec la haute idée qu’il allait, en quelque sorte, racheter la plus grande faute de sa vie, lui fit trouver suffocant l’air de la pièce.

« Partons, Nancy, dit-il, à voix basse.

— Nous ne parlerons pas de cela plus longtemps aujourd’hui, dit Nancy, en se levant. Nous vous voulons beaucoup de bien, ma chère ; et à vous aussi, Marner. Nous reviendrons vous voir. Il se fait tard, maintenant. »